MISSION : ALLER-RETOUR EN ZONE GRISE.

Heureux et satisfait que ma sœur aille mieux, il me reste pour autant, une lourde dette à payer. Tout se monnaye, ou presque. Et la meute n'a pas assuré les soins de Maïko gratuitement. Dans ces conditions, je n'ai pas d'autre choix que d'accepter les boulots qu'on me donne.

A priori, le travail du jour est relativement simple : Du District aux Troqueurs, amener et ramener à bon port une jeune femme. Une certaine Mary-Beth Oxnard.
Au-delà des morts vivants, ce qui m'inquiète le plus en zone grise, c'est les Détrousseurs. La zone est pleine de survivants solitaires. Ils ne sont pas tous de bonnes intentions. Certains se font un plaisir à racketter les survivants trop dissipés. Ils les laissent alors, nus comme des vers, au milieu des rues infestés. Autant dire qu'ils signent là un arrêt de mort en bonne et due forme.  Et puis il y'a aussi dans les rues, une bonne part d'esprits détraqués, des survivants qui n'ont plus toute leur tête. Ni totalement fou, ni tout à fait sains d'esprit... Pour survivre, ou simplement pour oublier ils se sont murés derrière des comportements psychotiques et paranoïaques. La solitude, le froid et la faim ont souvent raison des esprits les plus fragiles.
 
Tranquillement, je me présente devant le mirador du District, à bonne distance et à pas mesurés. Les gros bras ici, ont la gâchette facile. Il ne faudrait pas qu'ils me confondent avec un zéké trop aventureux. D'un signe de main je salue le soldat poster à la porte. Ainsi peut-être l'ai-je rassuré. Il ne faudrait pas qu'il lise en moi une quelconque velléité.  "Il est là, votre type ! Ouvrez les grilles !" Visiblement il m'attendait et le descriptif qu'il avait de moi était clair. Sans quoi j'aurai eu le droit à une fouille et tout un tas de questions. Blouson Schott sur les épaules, un col roulé rouge et ma batte de baseball en mains. Je l'avoue j'ai peut être un style qui dénote avec le traditionnel Parka-Treillis-Kaki de rigueur ici. Sous mon blouson, un holster porte une hachette dont le manche et la prise sont bien visibles. Ajouter à cela deux sacoches de cuir, accrocher à ma ceinture... Le tout trahit tout de même mon leitmotiv : qui s'y frotte s'y pique. Ma dégaine est quelque peu dissuasive d'après les comparses de la meute. J'espère que nous pourrons avaler les quelques kilomètres qui nous séparent de notre destination le plus rapidement. Et si les quelques solitaires que nous croiserons y réfléchissent à deux fois avant de nous aborder, c'est déjà ça de gagner. Seulement c'était sans compter sur l'exubérance de celle qui m'accompagner aujourd'hui. La grille s'ouvre et je découvre une jeune femme belle certes, grande, mais surtout habiller tout de blanc, un sac a mains en bandoulière. La tenue idéale en somme... "C’est vous, l’escorte ? Un homme seul ? Ugh, misère..." On ne peut pas lui donner tord, en tout point de vu, l'escorte peut paraitre faiblarde, mais peut-être était-ce tout se dont elle méritait ? D'un signe de tête, j'acquiesce et d'un signe de mains je lui signifie que je suis muet. La langue des signes peut être difficile pour les non-initiés, alors plutôt que de signer comme il le faudrait, je vais au plus simple : Je montre ma gorge et ensuite une croix avec mes mains pour lui faire entendre mon silence. Le comble serait qu'elle ne me comprenne pas et qu'elle pense que je n'ai qu'une extinction de voix temporaire, un gros rhume mal soigné.

Feat. Mary-Beth Oxnard.

MISSION : ALLER-RETOUR EN ZONE GRISE.

"Qu’est-ce que c’est que ça.. Vous.. Vous êtes bien la personne qui doit m’accompagner chez les... Troqueurs ?" Elle se montre quelque peu circonspecte, je le vois bien dans son regard. Elle s'attendait à mieux comme garde, mais il faudra se contenter de moi. Je pense largement être capable de l'amener à bon port, mais encore faut-il qu'elle veuille bien me suivre. Ce qui ne semble j'en ai bien peur pas gagner. D'autant qu'elle fait mine de ne pas comprendre mon mutisme. Elle s'approche de moi - trop à mon gout - et me répète sa question de façon caricaturale. Comme lorsque l'on répète une consigne à un vieux papy gâteux.  "Est-ce-que-vous-êtes-bien-mon-es-cor-te ?" C'est lassant, d'être pris pour sourd en plus d'être muet. De la tête de ma batte je l'enjoins gentiment à reculer. A la hauteur de sa poitrine, le titane froid et menaçant ne la touche pas, mais se montre dissuasif : n'avancez pas plus. Je baisse rapidement mon arme et lui réponds d'un hochement de tête. Un oui clair et sans équivoque. Je suis bien son garde du corps. Ensuite, je lui indique de la main la sortie. Je lui emboite ainsi le pas. Sans le dire, elle pourra aisément saisir le message : voudriez-vous bien avancer madame. Ou peut-être l'interprètera-t-elle bien différemment. Depuis que je suis muet, je suis confronté régulièrement à des quiproquos. Mon air menaçant pourrait facilement déformer mon message. Le pire serait qu'elle le prenne mal, qu'elle y voit de l'intimidation. Un "bouge de là grognasse et avance" serait on ne peut plus problématique. Il nous faudra bien une heure de marche pour rejoindre le motel, peut être deux si le rythme de marche n'est pas assez soutenu. On m'emploie pour assurer sa sécurité, mais si elle n'a pas confiance en moi, je ne vois pas d'inconvenant à la laisser là.

Feat. Mary-Beth Oxnard.

MISSION : ALLER-RETOUR EN ZONE GRISE.

"Non mais il est pas bien, celui-là ? Allons, partons ! Quand on en aura fini avec tout ça, vous me ferez parvenir l’un de vos supérieurs pour que je parle de votre comportement pas franchement très correct avec la clientèle. Vous savez qui je suis, d’ailleurs ?" La menace aura suffi à la faire rebrousser chemin. Que chacun reste à sa place. Je doute fort qu'elle apprécie qu'on lui parle au visage de trop près. Pourquoi le fait-elle alors ? Surement pour asseoir sur les gens qui l'entourent une certaine forme de domination. Ce profil de personne, qui se croit en tout point supérieur ne m'est clairement pas inconnu. Nombreuses sont les stars du sport, du cinéma, de la musique ou de la mode à adopter une telle attitude. J'ai suffisamment fréquenté - lors de soirées mondaines - le milieu des célébrités pour reconnaitre ce comportement. Sans être devin, il est facile de deviner le passé de cette jeune femme. Au vu de son attitude hautaine et suffisante, il apparait difficile qu'elle n'ait connu autre chose qu'une vie d'oisiveté et de confort. Mais ce qui est surprenant c'est qu'aujourd'hui encore, elle garde avec les autres une telle posture. Disons que la fin du monde à quelque peu rebattu les cartes. Il ne suffisait pas d'être riche pour survive. Oh bien sûr cela a aidé au début, quand les dollars valaient encore quelques choses, mais dorénavant les compétences et les outils sont les valeurs financières les plus rentables. Je doute que ses actions en bourse ou les parts de l'entreprise à papa lui servent encore aujourd'hui. Moi ma richesse ne m'a pas tant aidé que cela. D'ailleurs, je ne sais pas qui d'elle ou de moi était le ou la plus célèbre dans le passé, en savoir davantage ne me déplairait pas. En ma qualité de joueur vedette des Giants de San Francisco, j'avais une certaine notoriété. Mais peut-être était-elle une de ces nouvelles stars du web, suivie par des millions de personnes à travers le monde ? En tout cas son visage ne me dit rien. Mais les vêtements qu'elle porte, ça je le sais coutait une vraie petite fortune avant la pandémie. Ma femme, comme ma sœur se les arrachés. "Eh bien alors ? Passez devant !" Un sourire moqueur se dessine sur mon visage, je n'ai dans cette affaire ni supérieur ni collier autour du cou. Je suis plus proche du mercenaire que du chevalier servant. Peu m'importe que la balade lui plaise ou non, au fond elle a besoin de moi et de mes compétences. Ici, dans les rues de San Francisco, c'est moi qui la guiderai, qu'importe son statut passé ou présent au District. Je regarde l'heure à ma montre, bientôt dix-sept heures, elle devra surement passer la nuit au motel. Pressons, la nuit viendra vite et le temps n'est pas au beau fixe. Je m'engage dans la large 19ème avenue en direction du Golden Park, c'est une zone sûre, où beaucoup de solitaires ont pris résidence. Le parc est une zone dégagée, il y'est plutôt facile d'y repérer les zombies. Ce n'est pas le chemin le plus direct, mais c'est plus sûr et plus agréable de passer par là. D'autant que les Vautours y sont absents, ou tout du moins ils s'y font discrets. Et pour cause, le Golden Park est encore considéré comme une zone verte, une zone neutre et nettoyée sous le contrôle du District. Nous marchons ainsi une dizaine de minutes, sans que je lui dise quoi que ce soit en langage des signes, la laissant déblatérer à son aise tandis que je reste à l'affût, cherchant du regard tous risques potentiels. Au loin nous apercevrons bientôt l'entrée sud du parc.

Feat. Mary-Beth Oxnard.

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" Effacez donc ce sourire de votre visage" Visiblement, elle s'est sentie offusquée. Il faut bien admettre que la situation n'est guère à son avantage. Ce monde s'impose à nous, il nous force à l'humilité. Impossible de se cacher derrière son statut ou sa richesse, nous sommes tous de fait, redevenu égal face à la mort. Mais à mesure que l'humanité se restructure et se redresse, les disparités reviennent. C'est ainsi, tous les humains sont prompts, irrémédiablement, dès lors qu'ils ont du pouvoir, à en abuser.

Les rues sont calmes. C'est un silence tantôt inquiétant, tantôt reposant. Dans ce décor de film post apocalyptique, ou tout est à feu et à sang, la nature doucement à repris ses droits. Les arbres et les plantes grignotent les voies bitumées. Et sur la 19e avenue, autrefois noir de monde, congestionné par les automobiles, ont peut dorénavant, tôt le matin croiser une biche et son faon.

" Comme tout cela est écoeurant..." Marmonne dans mon dos la comparse du jour. Je peux sentir son regard dédaigneux dans mon dos et dans le même temps lire en elles toutes l'inquiétude et le malaise d'être dehors. Pour tenir cette attitude, c'est sur elle a du caractère. Elle n'est pas en reste, mais quand sera-t-il lorsqu'un danger se présentera ? Il n'a pas fallu longtemps pour qu'un Zéké malodorant sorte de son trou, avec tout le boucan que fait cette jeune femme, je m'étonne même qu'il n'en soit venu qu'un seul.

"Oh ! Mon Dieu ! Faites.. Quelque chose ! Hm.. Ils sont tous lents, comme ça ? Ne devriez-vous pas la tuer ? Mon dieu.. Regardez les plis sur ses vêtements, quel carnage..."

En temps normal, il conviendrait d'éviter le combat, de courir sans précipitation. Le mieux aurait été même de ne pas être repéré. D'un autre côté, ma fierté me pousse à donner une leçon à cette jeune femme trop présomptueuse, je pourrais laisser ce zombie s'approcher et le tuer d'un coup de batte. Il est seul, c'est tout à fait possible et cela aurait le mérite de foutre une trouille bleue à cette impertinente. Mais la prudence et la mesure me rattrapent, quand bien même elle me prendra pour un pleutre, dans un tel cas de figure, la meilleure solution c'est la fuite. C'est une attitude sage et raisonnable, c'est ainsi qu'on survit. Beaucoup de courageux sont morts bêtement. C'est donc d'un pas tranquille que je me rapproche de ma protégée du jour. En marchant, je lui fais signe de se calmer; la paume de main tourner vers le sol,  puis je ramène ma main à mes lèvres et lui fais signe de dorénavant garder le silence. Dans mon dos le pas du mort-vivant se fait plus pressant et sonore. Dans l'une des sacoches attachées à ma ceinture, je sors une balle de baseball... Et une fois arrivé à la hauteur de la jeune femme, je lui prends la main et la tire en direction du parc. D'une main je tiens fermement sa main et de l'autre je tiens ma batte et une balle. Nous marchons à toute hâte maintenant vers le parc, juste avant d'y entrer, je lâche la main de ma comparse, me retourne, jette la balle à la hauteur des yeux et frappe d'un swing précis la balle en direction d'une fenêtre de voiture cinquante mètres en contre bas dans l'avenue. La fenêtre se brise dans un fracas aigu. Le zombie se retourne un bref instant, l'instant d'après nous ne sommes plus là, nous sommes rentrés dans le parc. La diversion a fonctionné.

Feat. Mary-Beth Oxnard.